top of page

Lors de ma première visite dans une maison des enfants en 2013 à l’occasion d’une journée portes ouvertes, ma réflexion fut la suivante :

« Que l’enfant doit être bien dans « cette école Â» et qu’il doit certainement bien Â« apprendre Â» ! Â»

 

Depuis ce jour-là, mon cheminement dans la « pédagogie montessori Â» s’est approfondie et élargie. Ma vision sur l’éducation de l’enfant a changé puisque ma compréhension a évolué.

 

L’éducation de l’enfant est une aide à son développement en respectant ses lois naturelles : une aide précieuse à cette jeune vie qui croît. Et, de plus en plus, je réalise que de bons ingrédients dans la vie de cette jeune pousse sont vitaux afin que l’enfant, par lui-même puisque déjà tout est en lui, puisse se normaliser.

 

Le premier ingrédient dont je vais ci-après aborder est l’environnement préparé mais je pense qu’il est étroitement liée avec un autre ingrédient : l’adulte préparé.

L’environnement doit être soigneusement préparé. Préparé non pas une seule fois pour toute mais d’abord l’ambiance doit être prête chaque matin lors de l’accueil des enfants ; ainsi ces derniers peuvent se mettre rapidement au travail puisque le matériel est prêt et toujours à la même place. Cependant il faut garder à la pensée que cet environnement va évoluer puisque les besoins de l’enfant changent car lui-même évolue et grandit. La connaissance des périodes sensibles n’est pas suffisante mais observer l’enfant devient essentiel pour maintenir l’environnement comme une terre fertile car cette petite pousse n’attend que de croître.

 

L’ambiance s’aménage autour des deux grandes aires : vie pratique et vie sensorielle.

 

La vie pratique s’adapte aux coutumes du pays dans lequel l’enfant grandit.

 

La vie sensorielle comprend aussi la partie du langage, des mathématiques, de la géographie, de l’histoire, de la zoologie, de la botanique et des arts (incluant la musique). Ce dernier peut exercer sa main à l’ouvrage car les activités préparées font parties de son quotidien (dans la vie pratique). Une jeune main exercée pourra par la suite travailler avec un instrument de sa société et plus tard transformer la société dans laquelle il entrera avec confiance, estime de soi et indépendance. Il apporta sa part à l’édifice de manière créatrice!

 

Le matériel proposé est à la taille et à la force de l’enfant. Il est aussi unique et concret, en quantité suffisante mais avec une grande qualité. Certains petits objets sont fragiles d’où cassables.

L’enfant en prend rapidement conscience et devient respectueux de son propre environnement. Le matériel reste à la même place. Ainsi l’enfant peut retrouver facilement l’activité qu’il a choisie ou pensée au préalablement en lui. Si le matériel est détérioré, cette place est respectée en attendant que le matériel soit remplacé.

 

Les remarques d’un enfant peuvent enrichir l’environnement. Par exemple concernant la musique, les petits livrets de musiciens doivent être le reflet de la réalité. C’est-à-dire si seulement des musiciens du XVIII siècle ne sont qu’exposés, l’enfant pourra se dire soit en lui-même soit à haute voix « mais ce métier ne s’adresse qu’aux hommes et que pour une certaine époque! Â».

 

L’environnement accueille un nombre suffisant d’enfants pour un minimum d’adulte. Mais il doit également comporté la mixité du groupe et du mélange des âges. Ces critères sont nécessaires pour favoriser l’autonomie et la vie sociale. Un enfant a besoin de son lot de propres expériences pour que quelque chose en-lui émerge à un moment donné. Il surgit non pas en passant d’une activité à l’autre même si c’est déjà un premier pas ; mais en choisissant une activité et en la répétant autant de fois qu’il en a besoin ; la concentration fait place et un travail non visible se développe et les fruits de ce labeur ne se verra qu’à un moment donné à la vue de tous.

 

Le mélange des âges apporte son bienfait à la cohésion de la classe. Le plus grand (dit aussi celui qui est « normalisé Â») pourra avoir compassion du nouveau. Il sera le réconforter, lui parler et lui montrer. Il peut aussi conforter ses acquis. Le plus jeune ne peut en être que ravi. Il sera dans l’admiration devant le plus grand. Et ce petit enfant recevra beaucoup plus ouvertement et naturellement la présentation du matériel. L’adulte s’effacera en toute discrétion.

 

La parabole suivante permet de résumer et de garder en soi le fil conducteur :

«Un semeur sortit pour semer.

Or comme il répandait sa semence, des grains tombèrent au bord du chemin; les oiseaux vinrent et les mangèrent.

D'autres tombèrent sur un sol rocailleux et, ne trouvant qu'une mince couche de terre, ils levèrent rapidement parce que la terre sur laquelle ils étaient tombés n'était pas profonde.

Mais quand le soleil monta dans le ciel, les petits plants furent vite brûlés et, comme ils n'avaient pas pris racine, ils séchèrent.

D'autres grains tombèrent parmi les ronces. Celles-ci grandirent et étouffèrent les jeunes pousses, si bien qu'elles ne produisirent pas de fruit.

 D'autres encore tombèrent dans la bonne terre et donnèrent des épis qui poussèrent et se développèrent jusqu'à maturité, produisant l'un trente grains, un autre soixante, un autre cent.» (1)

 

L’environnement préparé est préservé par un adulte préparé.

Ce dernier connait l’art de transmettre à un enfant sa culture. Il sait entrer dans le monde de l’enfant pour le conduire dans le monde de l’adulte tout en respectant son rythme.

 

Ainsi pour accueillir cette nouvelle petite âme dans la maison des enfants, l’assistant lui présente et, mais aussi l’accompagne dans les divers exercices préliminaires tels que transporter une chaise et/ou une table ; porter une corbeille, un plateau et un petit objet fragile ou encore dérouler et rouler un tapis ; ouvrir et fermer une porte ; ouvrir et fermer une fenêtre (attention, si l’enfant peut être en danger, bien sûr ne pas l’exposer mais le protéger). Ces premiers exercices, faits dans la sérénité, permettent à ce nouvel enfant de trouver sa place et de se mettre rapidement au travail.  Grâce et courtoisie (se dire bonjour ; se moucher ; dire pardon etc…) encouragent cet enfant à faire parti du groupe de façon harmonieuse (des petites saynètes mettent en valeur de façon attrayante ces petites exercices et permettent au grand de donner l’élan à ce petit groupe constitué).

 

Le matériel proposé dans l’ambiance ne prend vie que par cet adulte préparé. En effet, ce dernier est le lien vital entre l’enfant et les plateaux de présentation. Il garde précieusement au fond de lui cette ligne directive savoir donner un minimum d’information pour permettre à l’enfant un maximum d’exploration.

 

L’éducateur se donne pour mission de savoir accompagner l’enfant vers la liberté d’activité et d’impulser l’intérêt du travail. Passer d’une activité à une autre en respectant le retour du matériel à l’étagère est déjà un premier niveau. Mais, ce que l'éducateur doit observer est le moment où l’enfant entre dans la répétition de l’action, car, c’est bien à ce moment-là que la concentration fait place et qu’un travail intérieur invisible à l’œil de tous, germe. Le fruit sera rendu visible plus tard à un moment donné précis. L’enfant ressort apaisé et épanoui : quelque chose de mystérieux vient de se passer et son visage raconte sa propre histoire. L’enfant se normalise.

 

L’adulte préparé est le gardien de l’environnement préparé. Chaque enfant évolue à son rythme et là où il en est. Certains d’entre eux ont déjà parcouru un «  long Â» chemin mais ne sont pas encore assez mûrs pour protéger leur travail et dire courtoisement mais fermement au petit envahisseur « je travaille Â». Cette notion de respect de travail de l’enfant est forte. Même l’adulte doit analyser toute aide qu’il souhaite apporter à l’enfant et avoir à la pensée « Est-ce une aide utile ou inutile ? Â» Il a besoin d’expérience pour arriver lui aussi à cette maturité. L’aide utile serait donc de protéger autant l’enfant qui travaille que celui qui est resté oisif ; et amener cette petite âme errante à trouver un intérêt et à entrer pleinement dans son travail.

Mais l’adulte, bien que préparé, a quand même ses limites voir ses propres tolérances. Il y a certaines activités où l’adulte sera tout à fait confiant de laisser faire Ã  l’enfant; mais dans d’autres occasions, l’adulte ne se sent pas prêt. Il le reconnait et l’accepte, c’est-à-dire si je prends l’exemple de l’art, la peinture gouache peut être utilisée sans engendrer une grande conséquence néfaste dans l’environnement mais si la peinture acrylique est utilisée et laissée séchée ... pas toujours où il faut …. ! Dans d’autres cultures, comme par exemple le Japon, la confiance dans l’enfant est plus propice du fait d’une culture basée sur la sérénité, la méditation, les cérémonies du thé et des fleurs. L’adulte entre dans le repos plus aisément car cette qualité fait déjà partie de sa nature. Et certainement que cet adulte-là cheminera plus facilement dans la confiance qu’il accordera à l’enfant.

 

Garder en tête l’enfant théorique permet à l’adulte de se resituer dès que le chaos surgit. Il doit donc intervenir, intervenir fermement et fortement dans certaines situations.

 

Observer l’enfant ne sera donc pas une tâche secondaire car l’adulte est vite pris par la course folle d’une journée dans la maison des enfants. Il y en tant de choses à préparer et à faire. Il devra se discipliner au départ pour se poser régulièrement et se donner un temps limité assez conséquent pour apprendre à connaitre l’enfant. Immortalité de l’âme est un long processus d’apprentissage. Mais ne sommes-nous pas bienveillants envers l’enfant ? Alors l’adulte bénéficiera de cette même indulgence, n’est-ce pas ? Ainsi l’adulte qui observe, apprend à connaître et à répondre aux besoins de l’enfant. Trois années passent vites à la maison des enfants. Connaître et aimer l’enfant correctement donnent un sens tout particulier à son travail. Il le valorise.

 

« La capacité à observer attentivement et précisément, avec un regard sensible aux détails, ainsi que l’aptitude à restituer très précisément ce qui a été vu, sont des prérequis indispensables que très peu d’enseignants possèdent, à l’inverse des grands naturalistes. (…) Alors qu’une telle capacité d’observation attentive et patiente est rare chez la plupart des enseignants, on la retrouve souvent chez les parents grâce à l’intérêt et à l’amour qu’ils portent à leurs enfants. Comme un naturaliste, un parent observateur sera attentif à la fois aux petits indices et aux grands schémas comportementaux. En les relevant, un parent peut souvent proposer des idées et des expériences appropriées et aussi se rendre compte si l’aide et les explications données ont été adéquates. (…) Les enfants, comme je l’évoquerai plus loin, agissent en permanence comme des scientifiques en regardant, remarquant, s’interrogeant, théorisant, testant leurs théories et en les modifiant aussi souvent que nécessaire. Â» (2)

 

Comme l’enfant évolue, l’adulte aussi évolue car l’enfant le construit. Quotidiennement, l’adulte doit se préparer intérieurement. Il se rend ainsi disponible à l’enfant. La sérénité et la paix intérieures de l’éducateur apportent à l’enfant la possibilité de rentrer dans le repos du travail. Il laisse toujours une porte ouverte à la remise en question. Cette attitude favorisera surement une élévation de son sacerdoce. Ainsi son regard sur l’enfant en sera tout autre : il pourra voir spirituellement cette petite âme dans sa grandeur !

 

Maria Montessori souligne à plusieurs reprises dans ses ouvrages qu’il nous faut suivre l’enfant, qu’il est notre guide. Concernant ma propre expérience qui reste encore toute jeune dans l’éducation, je ne peux qu’embrasser avec enthousiasme cette affirmation.

 

Je suis une heureuse maman de deux jeunes enfants. Je peux maintenant affirmer que c’est eux-mêmes qui me façonnent. L’amour et l’émerveillement dès notre première rencontre me poussèrent à donner le meilleur de moi-même. L’allaitement fut ma première réponse à leurs besoins. Mais ma question subsista longtemps « comment allais-je les éduquer ? Â». Pourtant moi-même, je reconnaissais que l’éducation que j’avais reçue était fort bonne. Mais une force, intérieure que je suivis, me poussa à me surpasser et d’aller plus loin. Alors je cherchais dans ce vaste monde qu’est l’éducation ! Je trouvai une réponse en observant un soir mon premier enfant encore tout petit dans son bain. Sacha s’intéressait davantage à la bouteille de shampooing-bébé qu’à ses propres jouets d’eau que je lui avais offerts. Il trouvait un fort intérêt à remettre la protection, quoique dure pour son jeune âge et ses petites mains fragiles, au shampooing-bébé. J’essayais à plusieurs reprises de détourner son attention de « ce semblant jeu Â» vers quelques jouets plus attrayants. Mais mon fils me tenait tête. Je le revois encore dans ma pensée : le regard fixé sur cette bouteille de shampooing-bébé dépourvu de couleurs et ses doigts essayant et essayant encore à fixer correctement cette protection à son destinataire.

 

Quelque temps plus tard, j’eus l’occasion de lire le livre « l’enfant Â» de Maria Montessori. Ses écrits me réconfortèrent et ouvrirent un autre regard, un regard tout neuf sur mon enfant.

 

 

Je conclurai ces deux concepts que j’ai essayés de traiter avec ma compréhension d’aujourd’hui par une phrase que j’ai lue récemment

 

« l’avenir, c’est l’enfant du présent ; est sage celui qui voit ce qui va naître Â» (3)

 

Références

 

1 - évangile selon saint Marc chapitre 4 versets 3 -8 (Bible du semeur)

 

2 – « les apprentissages autonomes – comment les enfants s’instruisent sans enseignement Â» par John Holt aux Editions l’Instant Présent (pages 20-21-22)

 

3 – Livre écrit par le rabbin Josy Eisenberg titre « la femme au temps de la Bible Â» aux éditions Succès du livre (page 36)

bottom of page